lundi 9 mai 2011

Rara, un condensé de culture joyeuse

Ta ka ta m- tam, takata m tam! Haïti, sa culture et sa musique populaire, en balade à travers le pays durant les 40 jours du carême: c'est le Rara, carnaval rural haitien. Plongez dans cette fête qui réunit sensualité, foi, rythme, insouciance
 
Le batteur et ses baguettes nerveuses ouvrent takata  takata l’orgie de sons. Le manman tambour rythme. Les bambous-basses ronflent.  Les cornets en ferblanc coqueriquent. Les tcha tcha tchachent.  Les cymbales chuintent. Les fers carillonnent. Et les voix chantent. Celles des femmes surtout.

Les corps sont pris, la conscience en apnée. Transe. Paillettes. L’arc-en-ciel pâlit en comparaison. Fête. Rara. Toute la saison du carême. Haïti tout entière, Léogâne et l’Artibonite bastions.
Le Colonel, conducteur du groupe, signale au houngan du village le moment de la cérémonie.  Annoncer la sortie aux bons esprits (loas). Solliciter protection contre les esprits malins. Le fouet  clashe le sol poudreux aux quatre points cardinaux. Ronde autour du Vèvè. Barbancourt arrose la terre. Ce rhum glougloutera tour à tour au fond de la gorge des grands initiés. Le cri se substitue au chant, les convulsions à la danse. Et la bande s’ébranle. De l'après-midi jusqu'au lever du jour, les fêtards affluent de tous les sentiers serpentiformes de la colline et d’entre les champs.

Voir la video rara de Leogane :


Les connaisseurs distinguent un par un, chaque do, chaque ré, de ces instruments venus du fin fond de l’Afrique et du legs taïno résiduel. L’ensemble percute et trompette. Une invasion de modernité. Les voix soulent, les voix roquent. Les pieds, instrument aussi, foulent (chayopye).

La trompette remplace donc  la coquille de lambi des esclaves marrons. Marrons du vaudou, marrons du catholicisme. Syncrétisme. Fête païenne,  ripaille de Vendredi Saint. L’orgue de Sainte Rose honore le grégorien. Jésus ressuscité. Tambour des rues, orgue d’église.

Le peuple se résigne, chante, danse, rit... Libations : peine et souffrance entre parenthèses.  Jean Price Mars, ho ! Les échos répandent au loin cette misère joyeuse. Et les corps en sueur ne se fatiguent pas de s’entrelacer. Spirale de chair, ceinture de chair, short cache-sexe, cache-fesse. Cinquante kilomètres  de ventres en ondulation de fréquence. Mon peuple danseCésaire et Roi Christophe! La tragédie, c’est pour les grands.

 Et toutes les femmes sont des Piaf qui piaffent de jouissance, se laissant traîner et entraîner dans la transe collective qu’elles retrouveront l’année prochaine à la mort-victoire de Jésus-Christ.
 Patrice Dumont

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